Créteil le 16 novembre 2007 (suite)
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La réussite éducative
Un projet pour chacun
Bernard TOMASINI
Préfet du Val-de-Marne,
remercie les nombreux participants, dont la présence témoigne de l’intérêt porté à la vie dans nos quartiers, dans nos villes. Il souligne qu’il est essentiel d’entendre dans le plein sens du terme, les acteurs et les bénéficiaires de la Politique de la Ville. Ce sont les mieux à même de donner des avis, et de proposer des améliorations, des innovations et des connexions pour développer la politique d’équité sociale et territoriale avec pertinence et efficacité. À l’issue des trois rencontres, 10 fiches de propositions seront remontées au Ministère, qui présentera son projet lors de la Conférence Associative de la Ville à la mi-janvier 2oo8.
Sur ce thème-ci, quatre thématiques pouvant organiser la réflexion entre les acteurs, Education Nationale,
Associations socio/culturelles, Centre d’information et d’orientation, Centres sociaux, médiateurs, bénévoles, "jeunes"... sont proposées :
- L’énergie conjointe, une des clés de la réussite, quels apports possibles de chacun, quels obstacles rencontrent-ils ?
- Partage des savoirs et des pratiques, ouverture et complémentarité
- L’image n’est pas une fatalité, comment changer les regards ?
- Et eux, qu’en disent-ils, que nous en disent-ils ? les enfants et les jeunes ont la parole
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Réussite éducative, l'énergie conjointe (vidéo 6'10" )
L’énergie conjointe, une des clés de la réussite, quels apports possibles , quels obstacles ?
L’atelier est animé par Nelle DUTKIEWICZ, Principale du Collège Paul Eluard à Bonneuil, qui soulève quatre sujets de réflexion :
- quels sont les freins à travailler ensemble ?
- comment dépasser le cloisonnement, “l’empilage” de mesures intéressantes ?
- comment les acteurs peuvent dépasser la peur de l’autre ?
- comment faciliter les moyens d’actions, notamment sur les documents administratifs et les conditions de versement des crédits ?
Les participants confirment que si l’on n’a pas l’habitude de travailler ensemble, c’est pourtant ce qu’il faut faire évoluer, il faut renouveler ces temps de rencontre, d’échange, d’information réciproque. Même s’il faut parfois convaincre des collègues, en général il n’y a pas de résistance a priori.
« un psychologue s’était installé à deux pas,
mais avant qu’il ne vienne au collège, on ne savait même pas qu’il était là ! »
« même l’Inspecteur d’Académie peut ignorer ce qui se passe à 50 mètres ! »
Cependant l’information est peu partagée à l’échelon d’une circonscription. Il faudrait une unité de communication pour partager régulièrement l’information car chaque territoire a sa spécificité, son public, sa politique.
Le temps nécessaire, les réunions supplémentaires, peuvent apparaître a priori comme un frein, mais l’intérêt de participer à des expériences très positives permet de le dépasser.
« Le “Travailler ensemble”
apporte le “Travailler mieux”
mais aussi
le “Travailler plus” ! »
Le temps du diagnostic est indispensable, connaître les ressources existantes permet aussi d’apprendre à travailler ensemble (diagnostic partagé) pour une meilleure coordination et cohérence du projet global.
Ce temps permet aussi de poser les bases d’une évaluation essentielle. Il faudrait pouvoir évaluer en intégrant la durée, incontournable sur la question de la réussite éducative : il est difficile d’estimer les conséquences directes d’une action sur les résultats scolaires à moyen terme. Et en s’informant des résultats attendus par les uns et les autres. Cette meilleure inter-information permet de dépasser "la peur de l’autre", la crainte de voir un autre acteur empiéter sur ses propres missions ou ses "secrets professionnels".
« Qu’est-ce qu’on peut mettre au compte de la réussite éducative ? on ne peut pas faire des comptes en saucissonnant les choses »
Les PRE (Programme de Réussite Educative) produisent directement du lien, on peut y voir une assistante sociale intervenir, et le Conseil général affirme que ce souci de concertation lui tient vraiment à cœur. Reste que le cloisonnement même interne de l’Education Nationale apparaît encore comme très rigide. Faut-il améliorer, amplifier les liaisons primaire / collège ?
Il existe des liaisons pédagogiques par exemple sur la santé, mais c’est beaucoup plus difficile sur le comportement. On pourrait être meilleur sur l’éducation à la citoyenneté, est-ce dû à la difficulté de trouver des intervenants sur cette question moins technique ?
Le lien avec les institutions, en particulier avec l’Etat, n’est pas assez rapide. Les dossiers sont trop lourds, il faut attendre trop longtemps les subventions ou les rencontres avec les représentants de l’Etat. Les petites structures actives sur le terrain, dans la proximité, ne peuvent "avancer" les subsides, même si certains trouvent des crédits-relais. Pour les Contrats Municipaux Etudiants on voit bien aussi l’indispensable implication des communes, se traduisant ne serait-ce qu’au niveau financier.
Les mises en œuvre différentes des cadres, des règles, ont aussi été évoquées comme posant problème : ici mais pas là des actions peuvent être refusées sur la parentalité, ou acceptées sur le temps scolaire, ce qui provoque des malentendus.
Enfin la place de la famille, des médiateurs et adultes-relais, est fondamentale, et il faudrait trouver des passerelles pour accompagner mieux la structuration de l’enfant... dès la crèche ! Et il ne faut pas négliger l’implication personnelle dans ces synergies qui peuvent être puissantes.
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Réussite éducative, 3 ateliers (vidéo 6'40")
- partage des savoirs
- changer les regards
- les jeunes
Partage des savoirs et des pratiques, ouverture et complémentarité
L’atelier a vraiment fait la preuve d’un très fort besoin d’échange d’expériences. Les participants ont explicité les actions en cours et l’enthousiasme réciproque a abouti sur un vif souhait de disposer de temps pour renouveler régulièrement ce type de rencontre, en particulier pour établir un langage commun.
Ont ainsi été exposés :
- Les PRE, Programme de Réussite Educative, qui réunissent différents acteurs pour un accompagnement personnalisé mais global des enfants en difficulté
- Les Contrats Municipaux Etudiants permettent de défrayer un étudiant pour assurer un soutien scolaire individualisé.
- Les expériences de médiateur pour les parents dans les institutions.
- Le Café des Parents du Collège Laplace à Créteil, qui est un lieu ouvert à tous les parents, les mardis, jeudis et certains samedis, pour discuter entre eux, avec les professeurs, ou sur un thème particulier proposé par un adulte-relais animateur. Cette expérience permet aussi de décloisonner les publics, de faire se rencontrer les parents d’enfants à difficulté notoire avec les autres.
- L’accompagnement des nouveaux élèves par des anciens pour découvrir l’établissement et s’y intégrer plus facilement.
- Les journées portes ouvertes des établissements pour les futurs nouveaux élèves et leurs familles.
- ...
Globalement, les conclusions suivantes en ont été retirées :
« Ce n’est pas parce qu’on vient de ZEP que l’on ne peut pas faire des études supérieures. »
- Il faut éviter le stéréotype « enfant de banlieue = enfant à problème, cas social ». Si 10% d’entre eux ont effectivement des difficultés, 90% poursuivent un parcours traditionnel.
- « l’enfant de banlieue n’est pas un cas social, dans 90 % des cas tout se passe bien »
- L’accumulation de dispositifs ne résout pas les problèmes, ni une transposition telle quelle, il faut une coordination et une adaptation, du sur-mesure pour travailler ensemble.
- Il faut redonner leur place aux parents, valoriser leur rôle fondamental plutôt que les mettre à l’index.
- Les expériences réussies dépendent du contexte et d’une volonté "politique", de beaucoup d’implications et de dynamismes personnels, et de temps.
L’image n’est pas une fatalité, comment changer les regards ?
L’atelier réfléchit sur l’image positive, ce qui rend l’estime de soi.
Comme on l’a dit dans un autre atelier :
« L’image d’eux-mêmes est un cloaque... on les imagine déjà comme étant des perdants, et c’est des gamins qui ont une image d’eux-mêmes complètement dégradée, ils sont persuadés qu’ils n’ont pas de place dans la société »
On constate que ce sont le plus souvent les adultes qui peuvent renverser cette image négative, relayée par les médias.
L’objectif est composite :
- Il faut apprendre à aimer apprendre, en tirer satisfaction.
- La réussite produit la confiance, l’assurance, et du coup génère la responsabilité et un autre rapport à l’autre. On constate que les projets sont plus fréquemment dans le sport et l’art, que dans les sciences ! La transformation du regard sur soi passe par la transformation du regard des autres, positif, admiratif, pour un jeune qui peut montrer d’autres capacités que “scolaires“.
- Il faut aussi intégrer une modification de l’évaluation de l’erreur :elle fait avancer aussi, et ne doit être considérée comme une étape, pas comme un échec qui rabaisse.
- Le changement de rôle (par exemple pour des collégiens aller lire des livres à des tout-petits) permet de changer de position (difficulté d’être à la place de l’enseignant). Cela peut être partagé par les encadrants aussi (se retrouver en position de « non-sachant »).
- L’évaluation doit aussi prendre en compte l’image, c’est-à-dire la valorisation personnelle.
« C’est plus facile d’aller à l’Opéra quand on connaît déjà l’acteur principal »
Les procédures particulières, type Segpa (sections d’enseignement général et professionnel adapté), peuvent faciliter les choses parce qu’elles sont moins liées strictement aux programmes (ce qui peut heurter d’autres professeurs), et contribuent à développer et apprécier une culture générale, à comprendre un sujet davantage qu’en cours morcelés.
Elles sont au départ déconsidérées par les camarades, mais donnent de l’assurance parce que l’élève comprend ce qu’il fait à l’école, et utilise ce qu’il a en soi.
- Il faut du temps, pérenniser ce qui marche, ce qui s’apprécie d’abord par un respect, un état d’esprit, puis par une diminution d’absentéisme, du nombre de demande de dérogations… C’est fin aussi mais plus quantifiable !
« la réussite d’une action, avant de se mesurer,
se ressent »
Une action qui marche attire davantage de public, il lui faudrait davantage de moyens ! Il ne faut pas oublier que dans ces cas, le chemin parcouru est un indicateur plus valide que le résultat matériel stricto sensu.
« Les actions socio-éducatives doivent être un projet, non un but »
D’autre part l’évolution de l’image n’est pas immédiate, il faut du temps, et la valorisation fait boule de neige : le spectacle des slameurs de Bonneuil est de plus en plus sophistiqué, il est passé à la MAC de Créteil.
« Maintenant j’ose dire ce que j’aime, partout j’essaierai de le partager »
Enfin, il faudrait sans doute reconsidérer ce que l’on classe comme "fondamentaux" de l’éducation.
Et eux, qu’en disent-ils, que nous en disent-ils ? les enfants et les jeunes ont la parole
Dans cet atelier, on constate que "ils" n’ont pas très envie de "nous" parler.
Mais on revient au besoin de temps : les jeunes slameurs, après avoir présenté leur spectacle (ils pouvaient avoir le trac pendant l’atelier) étaient beaucoup plus volubiles, même avec les personnes les plus impressionnantes de l’assemblée ! Et les encadrants en sont bien conscients et désolés aussi.
« ils ont des choses à dire mais on ne sait pas les écouter »
Pour s’exprimer, ils confirment qu’il est plus facile de « mettre sur une feuille ce qu’ils ont à dire ». Avec le slam, la chanson, le théâtre, l’écriture vidéo « il n’y a pas qu’une seule écriture ». Mais il faut que le processus démarre, qu’ils aient l’occasion de prendre conscience de leurs réelles capacités.
Quand on les questionne sur ce qu’ils ont envie de faire, les réponses sont très raisonnables :
- CFA routier
- Travailler dans la cuisine ou pompier
- Electricien ou mécanicien
- Puéricultrice ou sage-femme
- Mécanicien ou armée de l’air (auparavant, il souhaitait être astronaute)
Ce sont des emplois dont on a besoin ; il faut leur donner les moyens de faire ces métiers.
« comme soulagés de voir qu’on leur propose quelque chose d’adapté à eux »
Ils souhaitent également un développement des aides aux devoirs, et des ateliers concrets (jardinage...) pour mettre du sens à ce que l’on apprend à l’école.
D’autres activités comme le roller-foot donnent des règles, le respect, la citoyenneté, l’équité par un « auto-arbitrage » a posteriori de la faute, et permettent d’aborder la technologie, le français, l’anglais...
« Un stage, il faut connaître des gens, bien se présenter, ou se faire accompagner »
« Je me suis déplacé, j’ai cherché un peu partout, au début je me faisais recaler à tous les coups et puis j’ai trouvé. L’astuce : avoir confiance en soi »
La plus grande difficulté, c’est de trouver un stage.
L’atelier suggère une sorte de « banque académique » avec une personne qui accompagne les élèves et en lien avec les grandes entreprises, pour pallier la grande inégalité entre les collèges.
Il y a aussi la difficulté de chercher en même temps que les autres, et la concurrence entre les filières, les BEP et lycée pro vont plus facilement être choisis par les entreprises que les collégiens.
Enfin ils ressentent souvent une forte pression, de devoir choisir trop tôt une voie, il faut augmenter leurs capacités à choisir, par des ateliers de découverte de métiers...
« si à 14-15 ans, on leur dit : tu vas faire un CAP pâtissier,
tu seras pâtissier toute ta vie... »